L'ONG Oxfam a publié lundi 8 novembre un web-documentaire sur le cyclone Aila, en collaboration avec le Guardian. Environ deux douzaines de courtes vidéos nous présentent la situation de Gabura au Bangladesh, avant l'arrivée du cyclone, puis après le passage de la catastrophe, qui a sévit en mai 2009, faisant 81 victimes, mais surtout affectant près de 2,6 millions de personnes. La qualité des vidéos est remarquable, les images magnifiques, et le contenu très riche, surtout lorsqu'il détaille la vie avant le cyclone, qui se dégrade avec les inondations à répétition, et le changement des conditions climatiques.
Mais que vient faire un document produit par une ONG militante, sur le site du Guardian, qui fait du journalisme? Tout simplement, Internet ne finance pas, donc on trouve de nouveau types de collaboration et de sponsoring. Et comme l'indique Eric Scherer, l'enquête journalistique est menacée,
"(...) les ONG activistes arrivent aussi désormais sur ce créneau. Des appels à des contributions citoyennes, voire à des subventions, se font jour, y compris en Amérique du Nord."Il ne s'agit pas simplement de publicité achetée par Oxfam pour être affichée dans le reportage, mais d'une réelle collaboration, dans laquelle Oxfam intervient au niveau des décision éditoriales. On ne peut pas reprocher à Oxfam d'orienter de manière flagrante le document multimédia. Mais il est évident que la présence des messages militants de l'ONG tout au long du reportage lui donnent un ton et un angle qui n'ont rien de journalistique. Pour moi, c'est de la propagande. Dès le début des vidéos, le lecteur est invité à "agir avec Oxfam" pour sauver les vies arrachées par le changement climatique. Le cyclone est évoqué en permanence comme une conséquence directe du "changement climatique". Je ne dis pas le contraire, mais en tout cas aucune présence des débats scientifiques concernant l'éventuelle augmentation de la fréquence des cyclones tropicaux en Asie, et des causes de cette éventuelle augmentation dans le documentaire Oxfam. Pas d'approfondissement non plus des causes humaines (détaillées en fin de ce rapport) du désastre causé par le passage du cyclone. Tout semble être mis sur le dos du "climate change". Je ne conteste pas ceci, mais le manque de nuances me choque.
Alors très bien, laissons les ONG financer le journalisme. D'accord pour des fondations spécialisées dans l'enquête et dans le journalisme, comme le Center for Investigative Reporting, ou le Center for Public Integrity. Mais des ONG activistes? Où pourrait-on trouver la contradiction nécessaire au progrès du débat? Elle est déjà tellement peu présente à propos du thème du changement climatique, qu'on aurait pas beaucoup de mal à la faire passer à la trappe. Oxfam ne ferait sûrement pas un web-documentaire sur le sceptique par principe Freeman Dyson, qui bénéficie pourtant d'un très long et riche portrait dans le New York Times, repris, heureusement pour la France, par Courrier International et le Magazine Books dans son dernier numéro.
La conférence de Copenhague approche et elle est l'étape ultime pour un accord sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il est donc important d'informer sur le réchauffement climatique. Mais à mon avis, prendre des accents catastrophistes et, surtout, prendre les gens pour des imbéciles n'est pas la solution pour les sensibiliser.